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Beaucoup des récompenses décernées par le jury du Salon de 1896 sont tellement stupéfiantes que nous ne saurions laisser fermer les portes du Palais de l'industrie sans aborder la question.

Attaquons le point culminant.

Il n'est guère possible d'avoir vu l'exposition de peinture, cette année, sans remarquer le grand tableau ou les chrétiens affolés voient venir le tigre qui va les dévorer. Cette toile, l'Arène, est de M. Laubadère, élève de M. Cabanel.

L'artiste, s'il eût été prix de Rome ou hors concours, eût obtenu certainement un grand nombre de voix pour la médaille d'honneur, car son oeuvre est superbe et doit rester comme un des beaux tableaux de notre époque, M. Laubadère eût obtenu ces voix parce que la médaille d'honneur n'est pas donnée par le jury, mais par tous les artistes récompensés.

Eh bien, M. Laubadère n'a obtenu qu'une mention honorable. C'est un véritable comble.

Une mention, récompense égale à celle accordée a Mme Hazard pour un tout petit bouquet à Pétat d'ébauche. Nous disons ébauche parce que, sans le livret qui indique ce ces fleurs sont des quarantaines, il serait impossible de distinguer quelle est la nature des fleurs. Les teintes sont franches, mais le dessin absolument absent.

Faites-donc une oeuvre grandiose! On abuse des excentricités d'éclairage pourvu que l'effet soit étrange, bien tranché, les jurés bien ravis —— nul n'a l'idée de contrôler si cet effet peut se produire, si c'est vrai. Il suffit qu'on n'ait jamais vu la chose pour qu'elle excite l'enthousiasme.

Autrefois il ne fallait pas d'ombres, maintenant il en faut trop.

Comme exemple citons Daniel dans la fosse aux lions.

Il y a là certes un talent réel. Mais l'artiste eût passé sans doute inaperçu s'il se fût contenté de soigner son architecture, ses prises de jour, et d'éclairer le prophète et les fauves comme ils devaient l'être, étant donnée la somme de lumière qui pénètre dans la fosse. Le tableau de M. Tanner eût été très beau, mais n'eût pas obtenu de mention.

L'artiste, qui tenait à être remarqué, a jelé d'abord sur le sol une grosse tache d'un blanc de lait. Puis il n'a éclairé que les jambes de Daniel dont le haut du corps, noir comme du charbon, reste à l'état absolument informe. Des fauves il n'a peint que le museau de l'un ét la queue de l'autre. Le reste est une masse noire.

Oril est absolument impossible qu'avec une lumière comme celle qui pénètre dans cette fosse on n'aperçoive pas l'homme dont on voit si clairement les jambes. Mais ces impossibilités attirent l'oeil et c'est malheureusement ce qui reussit à captiver l'attention des juges.

Pourquoi ne pas récompenser un peintre comme M. Tanner sans lui imposer de pareils sacrifices. Le haut de sa toile est très remarquable. Les anciens, dira-t-on, faisaient de ces sacrifices du vrai à l'effet. Oui, mais ils ne sacrifiaient que le fond, les détails, jamais les têtes, —— ni l'anatomie de leurs personnages.

Un autre artiste, M. Alleaume, a couché sur un paysage vert foncé aux pers-