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LES EXPOSITIONS
Six peintres américains au Musée Fabre

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Deux peintures de Koenig: à gauche: <Good-bye to Babylone> et, à droite: <Dai-ichi Blues>. (Photo <Midi Libre>).

Présentée sous l'égide des Programmes culturels, l'exposition des six peintres américains, qui se poursuit au musée Fabre, est une exposition itinérante organisée par les services culturels des U.S.A., qui lui ont donné un sous-titre: <3 et 3>.

Pourquoi <3 et 3>, bien qu'il ne s'agisse pas d'un groupe homogène? Parce que trois des peintres Biala, Downing et Koenig, habitent Paris depuis longtemps, et que les trois autres, Cartier (né en France), Gunter et Reid, résident en Amérique.

Ceci dit, il ne semble pas que cette notion de résidence ait une influence tellement grande sur leurs styles respectifs, très différents suivant la personnalité propre à chacun. Adoptant une autre classification, on pourrait dire qu'il y a deux figuratifs et quatre abstraits. Ces derniers eux-mêmes témoignent de tempéraments différents.

Koenig, qui s'est pourtant créé [[?]] une grande réputation, nous a personnellement assez déçu. Hormis son <Dai-ichi Blues>, jaillissement d'une gerbe de couleurs à dominante blanche, mêlées d'ocre sur fond presque noir, et qui évoque un peu le champignon d'une explosion nucléaire, ses autres toiles, d'une conception assez géométrique, à grandes surfaces monochromes, sur lesquelles s'inserlvent parfois des figures constituées par des empatements de matières, sont très hermétiques.

Quant à Robert Reid, ses <chiffres> ou ses signes, peints ou collés sur des <plages>, sont eux aussi d'un symbolisme peu apparent et n'ajoutent pas grand-chose aux fonds représentant des plages avec sable, eau et ciel, et qui pourraient se suffire à elles-mêmes. Mais ces plages sont tellement dépouillees que, supportant des signes peu intelligibles, elles finissent par donner des peintures abstraites.

Plus abstrait encore, mais plus lyrique est Cartier, Français naturalisé Américain. Sa peinture est à base de larges bandes de couleur disposées selon un ordonnancement qui, a priori, n'a rien de tellement réfléchi. Elle approche de la peinture gestuelle. Mais on appréciera le talent de coloriste de cet artiste qui crée des rapports heureux (le rouge et le bleu du <pendulum>, notamment), et qui, employant surtout des tons faibles, arrive quand même à donner un vif éclat à ses peintures.

Dernier des abstraits, Joë Downing, vivant à Paris depuis plus de vingt ans et dont les œuvres nous ont paru avoir plus de maturité, plus de profondeur que celles des précédentes. Peut-on parler à son propos d'influence du milieu? Peut-étre, si on pense, comme nous, que par certains aspects sa peinture s'apparente un peu à celle d'un Bissière. Downing, en effet, utilise une multitude de petits signes informels disposés de manière plus ou moins régulière sur un fond de couleur uniforme, ces signes, eux-mêmes, étant souvent dans des nuances empruntées à cette même couleur, d'autres fois formant contraste. C'est ainsi que <Time after time> est traité dans une harmonie de verts sur lesquels se détachent de légères touches orangé et rouge, alors que <Octobre et pins> est executé effectivement dans des teintes automnales. Nous retiendons, particulièrement, <Si souvent bleu>, toile presque entièrement bleue avec queiques rares et miniscules taches de rouge. Il y a, incontestablement, dans les peintures de Downing, une résonance chromatique faite d'une sorte de scintillement qui est très agréable au regard.

Parmi les figuratifs, Janice Biala, l'ainée du groupe, présente à côté de <Mathilde dessinant>, une série de paysages vénitiens. La facture en est très libre et il n'est pas question de chercher à reconnaitre la place Saint-Marc ou l'église Saint-Georges. L'artiste, elle-même, d'ailleurs, ne distingue ses <Venise> qu'en leur accollant des couleurs. Et ces couleurs, aux teintes claires et douces (puisque des couleurs d'aquarelles ou de pastels) traduisent une atmosphère assez printanière de Venise, plus fraiche que l'atmosphère réelle, tout compte fait un peu lourde et opaque de cette ville. On peut aussi se poser la question de savior pourquoi Janice Biala coupe littéralement en deux (par la disposition des diverses surfaces paintes) la plupart de ses toiles. 

Enfin, Gunter tranche complètement parmi l'ensemble. On le présente comme appartenant à l'hyperréalisme, nouvelle école née en Amérique. est-il vraiment un bon représentant, de cette tendance artistique. En effet, dans la majeure partie de ses œuvres (à lui seul il expose dixneuf peintures) qu'il s'agisse de paysages, la plupart relativement limités dans leurs éléments descriptifs, mais se détachant sur de grands ciels monochromes d'une pureté absolute, ou des fleurs qui se détachent, elles aussi, sur un fond d'une seule couleur, Gunter tient le milieu entre un certain réalisme et le trompe-l'œil. Son réalisme n'a rien de commun, en effet, avec celui qu'on a connu jusq'à la révolution impressionniste. Si la matière est parfois léchée, le graphisme, par contre, n'est pas toujours d'une extrême précision et it arrive que Gunter soit irrél dans la couleur de ses ciels, par exemple. Parfois, il tend vers le trompe-l'œil, comme dans son <mur>, par exemple, où une feuille de papier parait plus réelle que les collages de Reid. Gunter est, en réalité, beaucoup moins classique qu'il ne semble au premier abord.

G. VERUNE

Montpellier
Midi Libre
27 décembre 1972.