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mardi 13 juin 72

ÉVÉNEMENT ARTISTIQUE A BESANÇON

Six peintres américains exposent au musée des Beaux-Arts

L'art est un langage universel que tout homme comprend selon sa sensibilité ou son degré de culture. Comme une langue peut être marquée d'accents différents par les provinces où elleest parlée, l'art est aussi divers que sont dissemblables les peuples qui le cultivent. C'est pourquoi, après l'exposition des peintres et sculpteurs polonais qui nous apporta de précieux enseignements sur la vie spirituelle d'outre le rideau de fer, celle qui vient de s'ouvrir au musée des Beaux-Arts et qui présente les œuvres de peintres américans retiendra l'attention de tous les amateurs avertis et des Bisontins soucieux de telles choses.

A juste titre car tous les exposants sont gens de talent. S'ils n'ont pas de message à délivrer ne se voulant que peintres, du moins nous apportent-ils l'écho des préoccupations artistiques de la libre Amérique.

Or, voyez comme vont les choses, cette exposition est curieusement intitulée << Six peintres américains, 3 et 3 >>. C'est que trois d'entre eux ont choisi de vivre dans la vieille Europe, notamment dans notre capitale car le prestige de l'école de Paris >> n'est pas éteint, et que les trois autres sont restés fidèles aux << States >>. Mais s'ils ne constituent pas un groupe rallié autour d'une esthétique précise s'ils travaillent chacun isolément, ils ont cependant un caractère commun : un dynamisme, une largeur de style qui apparaît dans chacune de leurs compositions. C'est peut-être cela la marque d'origine, les peintres des USA exprimant inconsciemment l'élan vital d'un peuple jeuns et l'énergie de sa puissance industrielle.

Il faut aussi reconnaître que rien de leurs travaux ne nous paraît étranger. Le jeune peuple yankee est fils indocile de la vieille Europe et de la verte Afrique. Ce sont nos concepts et notre culture latine, germanique, ou slave qui ont fait souche sur le nouveau continent. Si bien que, devant cette exposition, nous ne savons plus où sont nés les grands courants qui ont bouleversé durant ce siècle nos modes de pensées, notre vision du monde. Tout ce qui nous a surpris, troublés, effarouchés : cubisme, surréalisme, abstrait, constructivisme se retrouve sur les cimaises de cette exposition et il il y a même — ô surprise heureuse! — un réalisme poétique dont la sensibilité est triomphante.

Au vrai, la grande qualité de cette manifestation est c'e nous révéler qu'outre-Atlantique la pluralité des tendances artistiques règne autant que chez nous et que les querelles d'écoles sont, sans, doute, aussi passionnées.

Trois...

L'exposition s'ouvre sur l'envoi de Franck GUNTER, le réaliste qui s'abandonne parfois jusqu'a refaire des << trompel'oeil >>, genre qui passionna certains de nos peintres du XVII et du XVIII siècles. Pour lui, devant telles de ses compositions, il faudrait reprendre le vers de Baudelaire << Là, tout n'est qu'ordre et beauté...>> Sa peinture est sereine, sa palette chargée de tons harmonieux, son dessin très souple de ligne. Il sait (et cela est vraiment remarquable) donner de l'espace à ses paysages en faisant une place. 

Importante aux ciels. Dans cet ordre d'idée, deux toiles sont parfaites de style << Paysage dans le lointain >> et << Reflet >>. D'une facture plus libre <<Vache dans une mare >>, est un morceau plein d'humour. 

John F.KŒNIG vit a Paris après avoir parcouru le monde entier. Ce long cheminement lui fut fécond car dans chacune de ses compositions éclate une violence durement maîtrisée par des themes géométriques. Sa couleur semble peu variée mais ne craint pas les contrastes, la pâte en est riche, travaillée avec vigueur. De ce peintre le plus attachant semble, ce conflit qui l'habite: une inspiration effervescente aux prises avec une technique donc la rigueur d'execution fait merveille.

Deux de ses compositions sont proprement admirables: << Ode à l'enfant Picpus >> d'un style dépouillé mais avec l'extraordinaire réussite de ce cercle blanc sur fond blanc et << Yellow >> dont l'extreme simplicité est éloquente.

Robert REID, Noir américain, est un jeune peintre qui, quoique participant a l'art afro-américain, a retrouve les chemins du surréalisme. Un surréalisme assagi, épuré de ce qu'il avait de baroque, mais réalisé par l'imprévu et le étrangeté des thèmes. Comme tous ses coexposants, REID a un style large, souple, aisé. Le dessin est fidèle aux lois de la perspective classique, sa palette sobre est chargée de tons chauds sans dissonances et c'est alors que, dans une facture si sage, il introduit le thème insolite, une poésie irrationnelle quoique chiffrée. Et cela donne ces étonnantes compositions des <<Chiffres sur las plage>> qui sont de belle qualité. 

...et trois

Joe DOWNING a choisi de vivre à Paris. Il est entré de plein pied dans l'abstraction lyrique, doctrine qui paraît un peu ésotérique mais dont il se joue avec facilité. Il y a bien dans ses compositions abstraites un certain maniérisme peu plaisant, mais le souffle est là qui anime la plus sèche conception. Chacune de ces toiles offre une dominante colorée, dans laquelle joue presque ton sur ton des formes indécises. Il s'agit d'une sorte d'écriture idéographique, au pire d'un puzzle. Quoi qu'il en soit, cette peinture ne saurait laisser indifférent. 

De l'envoi de Janice BIALA qui, elle aussi, vit à Paris, on serait tenté de dire que l'impressionnisme va ressusciter. Car ce sont bien, dans leur facture très libre et très large, des notations impressionnistes que ces toiles vouées a Venise et qui s'efforcent de fixer les aspects changeants et fugaces de la lagune.  

Cette irisation des flots et des iles à certaines heures, elle l'a saisie dans un style un peu débridé, mais sa palette chargée de tons légers fait merveille dans ses compositions. Pourtant on préférera sans doute, dans sa tonalité bleue et d'un dessin plus serre le portrait d'enfant <<Mathilde dessinant>>.

J.-S. CARTIER lui, fut séduit par l'American of Life. Il secoua la poussière de ses souliers sur la vieille Europe et vit désormais à New York. Cette ville géante, et, dit-on, démentielle, inspire l'œuvre de cet artiste. Il s'est forcé d'en traduire la démesure, le gigantisme mais aussi la poésie. Ce qu'il réussit en peignant d'étranges paysages des constructions arbitraires par larges masses colorées d'un puissant effet.

L'audience internationale des musées bisontins

Cette exposition a été présentée à Besançon par Mme Baltrusaitis, du Service culturel américain à Paris, en présence de trois des exposants. Mme Janice Biala, Joe Downing et John F. Kœnig et du consul général des Etats-Unis à Strasbourg. Ils furent accueillis par Mlle Marandet, conservateur des musées de Besançon et Me. Jacques Lorach, adjoint délégué aux Beaux-Arts qui, tous deux, surent trouver les mots qui convenaient. Conviés à commenter leurs toiles, les trois peintres américains s'excuseront de façon très spirituelle. 

De nombreux Bisontins, amateurs d'art, assistaient au vernissage parmi lesquels le maire de Besançon et Mme Jean Minjoz; M. Weinman, deputé du Doubs; l'écrivain Romain Roussel; le docteur Bidault, président du festival de Besançon; Mlle Cornillot, conservatrice honoraire des musées; M. Lagrange. commissaire général de la société de la Foire comtoise; M. Dodane, directeur de l'école des Beaux-Arts de Besançon; M. Risset, président de l'AFCC; M. Milhaud, directeur de l'Ecole Normale d'instituteurs; M. Boissonade, conservateur régional des Bâtiments historiques; M. Lafille, de l'académie des Arts et Belles-Lettres de Franche-Comté; des peintres Seurre, Bauland, Brechat, de Merona, Jollivet, Daniel Brustlein, Dutru et le sculpteur Lagrange. 

Ce vernissage fut un événement qui, comme le dit, Me Lorach, consacrait l'audience internationale des musées bisontins.

Cette exposition a été presentée à Besançon par Mme Baltrusaitis, du Service culturel américain à Paris, en présence de trois des exposants, Mme Janice Biala, Joe Downing et John F. Koenig et du consul général des Etats-Unis à Strasbourg. Ils furent accueillis par Mlle Marandet, conservateur des musées de Besançon et Me Jacques Lorach, adjoint délégué aux Beaux-Arts qui, tous deux, surent trouver les mots qui convenaient. Conviés à commenter leurs toiles, les trois peintres américains s'excusèrent de façon très spirituelle. De nombreux Bisontins, amateurs d'art, assistaient au vernissage parmi lesquels le maire de Besançon et Mme Jean Minjoz; M. Weinman, député du Doubs; l'écrivain Romain Roussel; le docteur Bidault, président du festival de Besançon ; Mille Cornillot, conservatrice honoraire des musée; M. Lagrange, commissaire général de la société de la Foire comtoise ; M. Dodane, directeur de l'école des Beaux-Arts de Besançon ; M. Risset, président de l'AFCC ; M. Milhaud, directeur de l'Ecole Normale d'instituteurs ; M. Boissonade, conservateur régional des Bâtiments historiques ; M. Lafille, de l'académie des Arts et Belles-Lettres de Franche-Comté ; des peintres Seurre, Bauland, Brechat, de Merona, Jollivet, Daniel Brustlein, Dutru et le sculpteur Lagrange. 

Ce vernissage fut un événement qui, comme le dit, Me Lorach, consacrait l'audience internationale des musées bisontins.

R. VUILLEMIN

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Une composition de John F. Koœnig