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approcher du terme de ma carrière, sans avoir goûté dans sa plénitude presque aucun des plaisirs dont mon cœur était avide, sans avoir donné l'essor aux vifs sentiments que je sentais en réserve, sans avoir savouré, sans avoir effleuré du moins cette enivrante volupté que je sentais dans mon âme en puissance, et qui, faute d'objet, s'y trouvait toujours comprimée, sans pouvoir s'exhaler autrement que pas mes soupirs. 

Comment se pouvait-il qu'avec une âme naturellement expansive, pour qui vivre c'était aimer, je n'eusse pas trouvé jusqu'alors un ami tout à moi, un veritable ami, moi qui me sentais si bien fait pour l'être.

Il me semblait que la destinée me devait quelque chose qu'elle ne m'avait pas donné. A quoi bon m'avais fait naître avec des facultés exquises, pour les laisser jusque à la fin sans emploi [[lines to indicate missing text]]

Je faisais ces méditations dans la plus belle saison de l'année,

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au mois de juin, sous les bocages frais, au chant du rossignol, au gazouillement des ruisseaux.

--Que fis-je en cette occasion?
--L'impossibilité d'atteindre aux êtres réels me jeta dans le pays des chimères; et, ne voyant rien d'existant qui fut digne de mon délire, je le nourris dans un monde idéal, que mon imagination créatrice est bientôt peuplé d'êtres selon mon cœur. Jamais cette [[strikethrough]] ressourc [[/strikethrough]] ressource ne vint plus à propos, et ne se trouva si féconde. Dans mes continuelles extases, je m'enivrais à torrents des plus délicieux sentiments qui jamais soient entrés dans un cœur d'homme. Oubliant tout à fait là race humaine, je me fis dès sociétés de créatures parfaites, aussi célestes par leur vertus que par leur beautés, d'amis sûrs, tendres, fidèles, tels que je m'en trouvé jamais ici bas.
Je pris un tel gout à planer ainsi dans l'empire au milieu des objets charmants dont je m'étais entouré, que j'y passé des heures, les jours sans compter, et, pendant le souvenir de toute autre