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EDDA RENOUF

interview par CHANTAL BERET

et lent avec le papier de verre pour frotter et enlever la peinture, pour gratter les irrégularités de la toile, qui le permettent. Il y a une uniformité apparente qui est en fait très irrégulière. Toute l'intensité et l'énergie de la matière ressortent au travers de la peinture. On voit même la trace du châssis. Je ne sépare pas l'importance de la texture de celle de la couleur: j'enlève les fils comme j'enlève la peinture.

Pourquoi avoir choisi le gris?

Parce que c'est une couleur assez subtile et naturelle qui rappelle la couleur de la terre, de la pierre, des murs, des métaux. Et en même temps, elle est très lumineuse. Un gris tout fabriqué est mat. J'obtiens le mien non pas en mélangeant le noir et le blanc par avance, mais en superposant des couches très fines de noir, de blanc, quelquefois de jaune, de bleu métallique, que je frotte ensuite. Il en résulte une multiplicité de petits points qui vibrent et accrochent la lumière.

Quelle est la fonction première du frottage?

Elle est de mettre en «fusion» la couleur et la trame. Ce rapport met en évidence la constitution même du tableau. C'est l'essentiel de mon travail parce que je ne veux pas couvrir complètement la surface. On ne se rend pas assez compte de la qualité du support et de sa structure horizontale et verticale.

Le choix de cette coulear et sa répétition contient-il une idée de neutralité?

Elle est neutre, c'est vrai. Mais c'est quand même une couleur comme le noir et le blanc. Je vois différentes couleurs dans mes tableaux, selon les lumières, du gris-bleu, du gris-vert..., et des rapports très étroits entre la structure et la couleur. Lorsque je regarde l'oeuvre de certains peintres, je sens que je pourrais presque arracher la couleur de la toile comme une pellicule. La toile ne doit pas être un support d'images, même avec des couleurs brillantes, sinon on ne la considère plus vraiment. C'est le tableau dans sa présence immédiate qui m'intéresse.

Les formats sont très variés. Pourquoi?

J'ai utilisé de grands formats de 1,80 m x 1,80 m et des petits de 40 cm x 40 cm. Je choisis toujours des formats proportionnés aux mesures humaines qui donnent un caractère tangible à la toile. Ils ne dépassent pas la largeur d'ouverture de nos bras. Les petits sont pratiques mais ils ont aussi une signification particulière. Ils sont plus abstraits dans la mesure où ils créent un espace que le spectateur ressent comme lointain et qui est comme un espace autre. Je ne m'intéresse pas aux formats à échelle murale dans lesquels le spectateur voit une représentation de l'espace réel.

Que pensez-vous d'une approche scientifique de la peinture?

Je crois en une certaine vie de la matière qui est plus que ce que l'on peut connaître scientifiquement. La chose essentielle est son existence: «it is what it is». Le scientifique n'éclaire qu'une partie.

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Rome 5 In black 1972 Dessin (Galerie Yvon Lambert)

As 1972 73 x 73 cm (Coll. Casagrande - Rome)
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