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ce qu'ils sont les seuls à parler le même langage. La pièce vise à décrire cet inadmissible engrenage, patiemment, objectivement, sans éclats de voix, et la morale implicite qu'elle propose tient en quelques mots : il faut empêcher de telles situations de se produire ; commencent-elles seulement à s'enclencher qu'il est déjà trop tard. Tout le reste est rhétorique.

Un calendrier

Hubert Gignoux, dans sa mise en scène, s'est employé à traduire cette rigueur haletante et à dégager du constat historique son potentiel de tragédie. La montée de l'angoisse suit ici, très étroitement, le progrès de la négociation : aussi tout procède-t-il avec précision et rapidité, sans aucune concession au pittoresque. Un unique décor (Roland Deville) qui suggère simultanément les onze lieux de la pièce : on passe de l'un à l'au-tre par des  brefs, sans musique, sous le seul éclairage d'un calendrier, suspendu aux cintres et qui tourne. Les comediéns jouent simple et vrai, presque tous, sans chercher à apporter trop d'explications psychologiques aux personnages qu'ils ont à incarner : il faudrait citer la troupe tout entière, aux côtés de l'excellent André Pomarat (Brand) et de Sébastien Keran (Eichmann). Pour situer le drame, enfin, quelques signes bouleversents dans leur sobreiété : un rideau en barbelé et, au début et en conclusion, la prière du chantre juif. C'est du beau travail, sobre et fort, qui concilie décisivement document et théâtre.

ROBERT ABIRACHED