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AVANT-PROPOS

A MADAME LOUISE GADBOIS,

Non, decidment, chere madame, je ne peux pas le dire. Je ne peux pas dire que vous faites de la peinture honnete, car ce mot pourant juste evoque par son sens petit de accommodements facheux. Qu'entend-on par peinture honnete? Une ressemblance fidele, de bonnes intentions... au mieux, une tenue seriuse sans toutefois beacoup d'envergure, un peu comme on dit charitablement d'un tel que c'est un brave type? Voila une conception bourgeoise et academique. On peut etre un personnage peu remarquable et pratiquer (d'aunt plus facilement, puet-etre) une honnetete exemplaire, de meme qu'un artiste sans grande personnalite peut satisfaire aux regles d'une esthetique reconnue. Mais la probite du peintre est autre chose... et infiniment plus difficile. Il des habitudes visuelles et de la mode. Son devoir est envers lui-meme, parce que la nature n'est sensible qu'en lui. Son honnetete est tout interfieure et tout en profondeur. Les bonnes intentions n'y peuvent rien, et la mediocrite ne la concoit meme pas, car sans la personnalite il n'y a rien a quoi se conformer. La peinture, a dit Elie Faure, est le drame de la solitude. 
Oui, c'est difficile cette epreuve de soi, qui n'admet ni affecation ni repudiation. Vous devez songer parfois comme il serait agreable de vous laisser porter facilement sur le flot d'idees et de manieres qui ont cours... si vous pouviez. Mais vous ne pouvez pas. Ce pourquoi, chere madame, je vous rends hommage.